Cemel, la vie ensemble
15/11/2023Film documentaire de Faustine Lefranc (2023) Sur l’île de Lifou, en plein cœur de la tribu de Jozip, une petite école maternelle accuei...
Ce documentaire de 86 minutes réalisé par Faustine Lefranc (2023) est une co-production Foulala Production et Caledonia.
Sur l’île de Lifou (en Nouvelle-Calédonie), en plein cœur de la tribu de Jozip, une petite école maternelle accueille une vingtaine d’enfants de 3 à 5 ans, en classe unique. Le temps de quelques mois, nous partons en immersion dans ce microcosme, où les valeurs du système éducatif « français » s’imprègnent quotidiennement de culture drehu (la langue de l’île).
Au fil des jours, la caméra de Faustine Lefranc s’attache à cette société miniature en constante évolution. Avec la maîtresse, entre eux, les enfants découvrent les bases de l’éducation en collectif : « la vie ensemble » (« cemel » en drehu).
Entre confection du lien social et imitation du monde des adultes, une histoire tout en contrastes se dessine : tour à tour douce et brutale, poétique et drôle, intense comme l’enfance. Une histoire pleine d’espoir aussi ; à l’heure où la Nouvelle-Calédonie doit réinventer les bases de son propre CEMEL, son « vivre ensemble ».
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Film documentaire de Faustine Lefranc (2023) Sur l’île de Lifou, en plein cœur de la tribu de Jozip, une petite école maternelle accuei...
▶︎ Faustine Lefranc (en bleu sur les photos), réalisatrice de "Cemel, la vie ensemble" a eu le plaisir de voir son documentaire, co-produit par Caledonia et Foulala Productions, projeté au cinéma du musée du quai Branly - Jacques-Chirac le 9 novembre 2023, dans le cadre du cinéma de la société savante des Océanistes (SDO).
📽️ Une projection suivie d’une discussion avec le public. En partenariat avec les associations SIAPO, Pacifique-France, Pavillon d'Uvea et Ea Kanaky.
"On a vraiment passé un magnifique moment au Quai Branly, un brassage générationnel et culturel comme on les rêve et des retours qui font bien chaud au cœur. C'est génial de voir le film sur grand écran et d'entendre les rires qui accompagnent les répliques des petits personnages 🥰
On se rend compte en tout cas que le film gagne aussi à être vu en collectif. Il y avait dans le public deux étudiants qui sont passés par cette école maternelle de Jozip ! C’était magnifique de pouvoir vivre ce moment, et de mélanger un public varié, dont certains ne connaissaient pas grand chose aux cultures du Pacifique.
On espère qu'il pourra y avoir d'autres beaux moments de partage comme celui-là."
Faustine Lefranc, la réalisatrice de Cemel, la vie ensemble.
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[Diffusé dans le JT du 28-08-23] Faustine Lefranc à propos de son documentaire "Cemel, la vie ensemble" Le documentaire est disponible ...
A mon époque, le programme scolaire était calqué sur celui de la Métropole. Quelques notions, souvent mal maîtrisées et en tout cas superficielles, évoquaient la singularité du « territoire » dans le tout « français ». Je me souviens d’une anecdote en cours d’histoire- géographie au collège, pendant lequel notre professeure, qui abordait la question des premiers peuplements de l’archipel était mal à l’aise pour nommer la population autochtone. Elle s’était adressée aux trois élèves d’origine Kanak de ma classe en leur demandant : « qu’est-ce que vous préférez qu’on emploie comme nom : Mélanésien ou Canaque ? »... et suite à la réponse : « comment vous écrivez « Canaque / Kanaque / Kanak ? » Il y avait une telle méconnaissance de l’histoire, de la culture, des revendications du peuple autochtone...
Aujourd’hui ma fille écoute la maîtresse raconter des histoires où il est question de « waniapo » (papaye en qene drehu) et de « thilë » (roussette).
C’est en regardant Diane vivre et évoluer dans ce petit univers, dont les règles se réinventent chaque jour à travers jeux et apprentissages, que j’ai peu à peu commencé à sentir toute la « matière narrative » qui se jouait ici.
L’instant est précieux et dans ce « maintenant » se jouent tant d’avenir(s). Parce que nous n’avons qu’une seule fois 4 ans et que nous sommes tous passés par cet âge-là. Qu’une fois adulte, nous ne gardons que très peu de souvenirs clairs de cette période. Parce qu’il s’y déroule pourtant des choses essentielles qui nous aident à devenir « un individu dans le groupe ». Le rapport à l’altérité semble plus fluide, plus tolérant d’une certaine façon. On ne comprend pas toujours les mots et les réactions du camarade, alors on le regarde par moments avec des yeux ronds, mais on l’accepte tel qu’il est, sans se poser de questions. Parce qu’également, je dispose, en tant que réalisatrice « immergée » dans un quotidien très peu filmé, de l’occasion unique de « documenter » de l’intérieur l’univers d’une école maternelle en milieu tribal, dans les îles Loyauté, au lendemain de trois référendums sur l’autodétermination du pays, et à l’aube de discussions sur son nouveau statut juridique.
En accompagnant Diane sur le chemin de l’école, jour après jour, a ainsi germé l’envie de raconter le quotidien de cette classe unique et de le partager dans un film, à travers son regard et celui de ses camarades. De quels enjeux cette école maternelle, publique et posée au cœur de la tribu, est-elle le lieu ? De quoi ce « Cemel » (« vivre ensemble » en qene drehu) est-il vraiment le nom ? Comment permet-il aux élèves de tisser entre eux des liens sociaux, de trouver leur place dans le groupe, tout en se forgeant une personnalité singulière ?
Nos personnages principaux, hauts comme trois « pommes-cannelles », seront nos guides pour aborder ces questions en filigrane. Pour tenter surtout de mettre en images et de comprendre ce qui se joue pour eux chaque jour. Au sens propre, comme au figuré. Comme une passerelle poétique tendue vers nos espoirs...
(au moment où j’écris ces lignes, je ne peux pas m’empêcher d’éclater de rire. Diane s’est assise en face de moi : elle a chaussé mes lunettes de soleil et, avec un bâton en guise de crayon, elle s’applique à m’imiter, très concentrée, le nez froncé)
... vers nos rires d’enfants !
La force de ce projet, je la corrèle aux liens tissés jour après jour au sein de la tribu puis à l’intérieur de l’école.
J’ai la chance de pouvoir échanger au quotidien avec la maîtresse, les aides maternelles, les enfants et leurs parents. Très naturellement j’en suis donc venue à leur parler du projet de film qui germait. Tout le monde a accueilli le projet avec enthousiasme et m’a encouragée. C’est une grande chance de bénéficier de leur confiance.
Ma fille, Diane, est aussi l’un des personnages du film et, de ce point de vue, je me situe à la même place que les autres parents qui verront leurs enfants à l’image. Ils savent que je suis personnellement impliquée dans le projet, pas simplement «observatrice». J’ai beaucoup réfléchi à la place que Diane prendrait dans ce film et j’ai décidé qu’elle ne serait qu’un personnage parmi les autres : le collectif m’intéresse avant tout. Le cœur de ce projet, c’est bien le groupe, la mini-société constituée par l’école.
La narration du film se déroule sans voix off ni musique ajoutée. Le film navigue dans le temps et dans l’espace des enfants, sans se mettre à distance, sans analyse, sans commentaire. Simplement à leur hauteur...
Je trouve passionnant de se laisser porter par cette capacité qu’ont les enfants à se donner pleinement à l’instant présent : l’« ici et maintenant ». Comme un contrepoint à cette période anxiogène que nous traversons à l’échelle planétaire, où les bouleversements s’enchaînent à une rapidité qui incite à toujours anticiper le pire.
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